Scène
1
Si Constantin au IVe siècle secoue le plumeau
de la poussière barbare, par la suite plus coriace, encore une fois la grandeur
qui dessine le monde est celle de l’esprit : un peu plus tard Théodose
interdit le paganisme, dernière senteur du monde hellénique, qui change de
parure pour la nouvelle Rome capitale des empereurs jusqu’au quatre-vingtième
d’entre eux, Constantin XI, mort avec son Empire en 1453 tandis que durant ce
millénaire d’autres barbares demeureront aux portes du monde civil. Au VIe
siècle Justinien et son général Bélisaire veulent restaurer l’extension de
l’antique Empire de Rome, et parviendront à faire resplendir le lustre d’une
ère — Sainte-Sophie en est le symbole — tiraillée entre Perses et
Ostrogoths. La Grèce, déjà devenue le parangon de l’Empire sous l’impulsion, un
siècle avant, de l’impératrice Eudoxie, verra bientôt disparaître les ultimes
reliefs de son antiquité : les jeux olympiques en 395, l’académie de
Platon en 529. Mais tout autre chose devient.
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Scène
2
Depuis Constantin, le règne terrestre du
monarque — appelé Basileus — de
l’Empire sera appelé à devenir la pâle copie d’une estampe divine, sans d’abord
la grever au sang de quelque dynastie bien réglée. Bien vite, au cours des
premiers siècles (IVe – VIIe), l’érosion, invisible encore, du principe électif
de la monarchie laisse naître la désignation du successeur, avant qu’à côté ne
se glisse l’héritage, dont le sang toutefois, jusqu’à la chute, n’aura jamais
régné seul face au logos. Mais l’hybris du pouvoir telle que la concevait
les anciens n’a pas été oblitérée de la mémoire des empereurs : couchés
sous le droit divin, se décoiffant devant Dieu, une volonté peut amener à leur
déchéance ; ce n’est qu’embryonnaire que le pouvoir s’affirme, et bientôt
l’Eglise sera soumise à l’Etat (IXe s.). Deux siècles plus tôt les provinces, au
Moyen-Orient de l’empereur Héraclius vainqueur des Perses, seront sitôt
reconquises par une force nouvelle, les Arabes et l’Islam frais éclos, griffe
d’un monde nouveau : l’Antiquité se meurt et à son seuil se presse, encore
une fois, tout l’Orient.
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Scène
3
Au-delà des conflits externes à l’Empire les
querelles en matière religieuse se sèment le long du temps, en particulier
celle des Images au cours de la dynastie des isauriens (VIIIe et IXe s.). Ce
désordre interne aussi facilite la tâche aux envahisseurs arabes, qui conquièrent
la Crète et la Sicile, alors qu’au nord les Bulgares font des ingressions
jusqu’à leur défaite aux Thermopyles. Nous voici alors, au Xe siècle, à l’apogée d’un Empire qui bientôt s’inclinera
vers le grand schisme cependant que s’entassent à ses portes de nouveaux
ennemis, les Turcs Seldjoukides, convertis à l’Islam alors qu’un prince de Kiev
devint orthodoxe.
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Scène
4
Après que les Musulmans en 846 ont pillé Rome,
l’Occident commence à parler d’une théologie de l’action armée. Cent cinquante
ans plus tard a lieu la première croisade, alors que les Comnènes, dynastie
d’empereurs byzantins, avaient déjà recherché l’alliance de Venise contre les
barbares. Leur empire, très puissant mais déjà sur l’autre versant, sera
pourtant par eux trahi, lors de la quatrième croisade, première dérive
d’intérêt d’un riche doge — et sans doute de croisés francs — qui conquit
Constantinople en 1204 puis la petite Grèce et les îles de l’Égée, ébranlant des
fondations alternativement sapées et solidifiées par ces prodigues ou robustes
empereurs et impératrices, dont l’accastillage de toute la ville sera
finalement pris par les Turcs au XVe siècle. Mais en silence, au-dessus du
bonheur des rois et de la ruse des diplomates aveugles au génie de l’espace,
Anne Comnène écrit l’Alexiade.
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Scène 5
1204 marque le bref déclin d’un empire menacé
de toutes parts. La conquête des latins leur apporta le souci de défendre les
terres, et quand en 1261 ils s’en vont le destin de l’empire ne sera que de
finir « comme le Rhin, qui n’est plus qu’un ruisseau quand il se perd dans
l’océan », pour reprendre la gracieuse image montesquienne.
A la veille de sa mort pourtant il eut un de
ces derniers souffles d’agonisant, un estuaire irrigué par ce renouveau instillé
par l’étonnant XIIe siècle : alors que le territoire grec, pour lequel les
anciens avaient vu l’ingenium soli,
reste divisé entre Vénitiens, Génois et Hospitaliers, l’on y voit l’éclat
renaissant des lettres antiques. Et dans le terreau putréfié de la dernière
Rome, vers le couchant fleurit une ère de renouveau. C’est la Renaissance,
là-bas encore.
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